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ingrédients d’un simple mélange physique. Il est vrai qu’à côté des lois de conservation, nous possédons des lois de changement, telles que le principe de Clausius. Mais ces lois, ni ne se ramènent à la loi de conservation, ni ne suffisent à déterminer avec précision les phénomènes. Déjà la forme négative du principe de Clausius empêche que ce principe n’engendre une détermination complète.

Quelle est enfin la signification des lois physiques en ce qui concerne le problème de la nécessité ? Pour répondre à cette question, revenons à la distinction des lois de conservation et des lois de changement. Les premières sont construites sur le type des lois mathématiques ; elles sont nécessitantes, elles énoncent des conditions précises, elles sont ou elles ne sont pas. Mais elles ne fondent qu’une nécessité négative. Ce sont des barrières analogues à celles que forment, selon nous, les lois logiques, plus étroites seulement et plus voisines des choses : elles laissent nécessairement les phénomènes en partie indéterminés. Il faut bien se garder, en effet, de confondre déterminisme et nécessité : la nécessité exprime l’impossibilité qu’une chose soit autrement qu’elle n’est ; le déterminisme exprime l’ensemble des conditions qui font que le phénomène doit être posé tel qu’il est, avec toutes ses manières d’être. La loi de conservation est une loi de nécessité abstraite, mais non une loi de déterminisme ; d’autre part, toute loi qui, comme le principe de Clausius, règle la distribution de la force, est bien une loi de déterminisme, mais est et demeure exclusivement expérimentale. Une telle loi n’est plus, comme la loi de conservation, une condition d’intelligibilité. Il n’y aurait rien de choquant