Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/65

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des abstractions de la science, comme les dieux d’Epicure au-dessus de notre monde ? La pensée, non moins que le sens du réel, ne demande-t-elle pas que les divers éléments du monde se conditionnent les uns les autres, pour que le monde soit un ? Et si, dans la réalité, les lois physiques ne sont pas indépendantes des autres, lois que peut receler la nature, comment affirmer qu’elles sont immuables et inflexibles ? Il se peut qu’elles se soient formées par évolution, ainsi qu’on le dit aujourd’hui des espèces animales et sociales, et que leur fixité soit un état des choses, non une nécessité. Et il n’est pas légitime de prendre à la lettre le déterminisme qui, pour un phénomène physique, n’admet d’autre cause qu’un autre phénomène également physique, puisque de tels phénomènes ne sont que des abstractions, et que l’action, si elle existe dans la nature, est quelque chose de bien autrement complexe. En résumé, la considération des lois physiques marque, si on la compare à la considération des lois purement mécaniques, un progrès dans le déterminisme, en ce sens que des manières d’être que la mécanique laissait indéterminées, se trouvent maintenant expliquées suivant des lois. Mais, en devenant plus étroit, le déterminisme devient plus complexe et plus obscur, et moins réductible à cette liaison analytique qui seule serait la nécessité.

La prochaine leçon sera consacrée à l’étude des lois de la chimie.