Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/70

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prétendre à déterminer métaphysiquement la nature même des choses.

On peut aller plus loin et dire : y eût-il une plus complète coïncidence entre les faits et la théorie, on ne serait pas autorisé à considérer l’atomisme comme une théorie de l’être. En effet, le principe ab effectibus ad causas ne fournit jamais qu’une explication subjective. L’atome ne tombe pas sous les sens : il n’est conçu qu’à l’aide d’un raisonnement hypothétique. Or un tel raisonnement n’atteint jamais que le possible, la condition suffisante ou paraissant telle, étant donnés les faits dont on dispose, mais jamais la condition nécessaire. M. Friedel, à propos des objections que peut soulever la théorie atomique, allègue qu’aucun physicien n’est actuellement disposé à jeter par-dessus bord la théorie ondulatoire de la lumière, à cause des difficultés graves et même des contradictions que présente la conception de l’éther lumineux. De même, dit-il, il convient de continuer à se servir d’une théorie qui a permis de grouper un nombre incalculable de faits et qui chaque jour conduit à en découvrir de nouveaux. Un tel langage indique assez que l’on n’entend pas, au nom de la science, ériger l’atomisme en vérité absolue.

Mais la métaphysique vient à l’appui de cette théorie et prétend lui apporter le secours que la science ne peut ni ne veut lui fournir. D’une manière générale, ou soutient que l’atome est l’élément qui présente au plus haut degré possible la réunion de la réalité et de l’intelligibilité. L’atome est réel, car il est déterminé : il est tel, en masse, en grandeur, en figure ; il est intelligible, car il est défini par les qualités que nous concevons le plus clairement, à savoir par les qualités géométriques. En outre, il suffit de concevoir les qualités sensibles comme