Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cause externe : ce sont les sollicitations extérieures, sous l’influence desquelles se réalise la tendance. Le récit biblique de l’homme perdant l’immortalité le jour où il goûte au fruit de l’arbre de la science, est, pour M. Sabatier, un symbole exact de la cause de la mort. À ce compte, lorsque Pascal proclamait que l’homme est plus grand que la nature parce qu’il sait qu’il meurt, il exposait une vue, non seulement métaphysique et morale, mais aussi scientifique. Les meilleurs hommes d’une nation, disait Renan, sont ceux qu’elle crucifie. Le martyre est la rançon de la supériorité. La mort est donc le témoin de l’effort que fait le vivant pour s’élever au-dessus du milieu où il a pris naissance. C’est la défaite qui marque sa grandeur. Toutes ces considérations sont en partie poétiques et religieuses. Pourtant les savants s’y trouvent amenés comme les autres hommes. Quel est donc le rapport des facultés vitales avec les propriétés physico-chimiques ?

La physiologie peut-elle se constituer, comme la chimie, en écartant purement et simplement tout ce qui ne parait pas susceptible de déterminations rigoureusement scientifiques ? Le chimiste ne nie pas qu’il n’existe des qualités sensibles ; mais il les renvoie, soit à la physiologie, soit à la métaphysique : il trouve un objet de science qui se suffit dans les relations de composition des molécules. De même, dira-t-on, on distingue, dans l’étude des êtres vivants, d’une part des phénomènes physico-chimiques, d’autre part un je ne sais quoi qui ressemble à la finalité : ce dernier élément est renvoyé à la psychologie ou à la métaphysique ou même à l’inconnaissable ; et la physiologie se constitue en ne considérant que les phénomènes physico-chimiques.