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exemple, de la théorie des fonctions, on pourra essayer de combiner méthodiquement des fonctions simples de manière à former des types de fonctions bien gradués. Les fonctions algébriques ont conduit aux fonctions elliptiques (premier exemple de transcendantes nouvelles obtenues par les méthodes modernes), les fonctions elliptiques conduisent aux fonctions modulaires, les fonctions modulaires aux fonctions fuchsiennes : ainsi, on peut toujours, d’une famille donnée d’fonctions, s’élever à une famille plus compliquée. C’est de cette manière que Gauss, par exemple, nous engage à procéder lorsqu’il nous invite à passer de l’étude des fonctions logarithmiques et circulaires à celle des fonctions hypergéométriques, qui constituent « un genre supérieur ».

L’emploi systématique d’une semblable méthode se heurte malheureusement à d’insurmontables difficultés : complication croissante des calculs et impossibilité de faire un choix a priori entre les extensions en nombre infini que comporte une même théorie. C’est pourquoi, pour les raisons que nous avons exposées dans un chapitre précèdent, l’opinion d’après laquelle la Mathématique pouvait se développer par simple généralisation doit être abandonnée.


Nous avons vu qu’à la base d’une œuvre mathématique il y a toujours un choix dont la logique ne peut pas rendre compte. Le caractère libre de ce choix, affaire d’instinct et de goût, prend une telle importance aux yeux d’une certaine école qu’elle en vient à considérer l’Analyse mathématique comme une pure œuvre d’art. Selon les adeptes de cette école, aucune recherche ne s’impose spécialement à nous ; seules, par conséquent, les spéculations qui nous procurent une satisfaction es-