Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nouveau mouvement philosophique. Or il arrive qu’en lisant l’exposé de M. Brunschvicg nous sommes, sur presque tous les problèmes qui y sont soulevés, pleinement d’accord avec l’auteur, dont les arguments nous convainquent ; et néanmoins nous constatons que la courbe d’évolution tracée par M. Brunschvicg diffère notablement, quant au dessin général, de celle qu’il aurait obtenue s’il s’était placé au point de vue du pur homme de science.

La ligne qui marque les étapes de la philosophie mathématique offre un nombre considérable de sinuosités et même de discontinuités brusques que M. Brunschvicg met très fortement en relief. Ainsi, à peine le platonisme a-t-il donné, pour la première fois une explication complète — ou du moins jugée telle — de la connaissance et de la vérité mathématiques, que déjà se présente une coupure, un rebroussement de la courbe : le courant de la spéculation philosophique sur la science s’arrête soudainement, pour repartir avec Aristote dans une nouvelle direction qui l’écarte des mathématiques ; et il faut attendre jusqu’au xviie siècle pour voir la philosophie reprendre l’orientation que lui avait imprimée Platon. Après les Cartésiens — Descartes, Malebranche, Spinoza — nouvelle coupure et non moins profonde : l’analyse infinitésimale relègue au second plan l’algèbre et la géométrie cartésiennes, et de ce grand événement mathématique résulte une révolution complète de la philosophie à base scientifique. Au cours de la