Page:Boutroux - La Monadologie.djvu/157

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ne saurait toujours parvenir entièrement à toute la perception, où il tend, mais il en obtient toujours quelque chose, et parvient à des perceptions nouvelles.

16. Nous expérimentons nous-mêmes une multitude dans la substance simple, lorsque nous trouvons que la moindre pensée dont nous nous apercevons, enveloppe une variété dans l’objet. Ainsi tous ceux qui reconnaissent que l’âme est une substance simple, doivent reconnaître cette multitude dans la Monade ; et Monsieur Bayle ne devait point y trouver de la difficulté, comme il a fait dans son Dictionnaire article Rorarius[1].

17. On est obligé d’ailleurs de confesser que la Perception et ce qui en dépend, est inexplicable par des raisons mécaniques, c’est-à-dire, par les figures et par les mouvements[2]. Et feignant qu’il y ait une Machine,

    justement rendu possible l’action des monades les unes sur les autres ? — Mais la force, pour Leibnitz, est encore une dénomination quelque peu extrinsèque et confuse elle ne devient distincte qu’en se résolvant dans la dénomination tout interne d’appétition, ou tendance à des perceptions nouvelles, plus distinctes que les précédentes. Il est donc parfaitement conforme aux principes du système que les monades n’aient ni portes ni fenêtres (Voy. sup., p. 41).

  1. Bayle s’y exprime ainsi : « Comme il (Leibnitz) suppose avec beaucoup de raison que toutes les âmes sont simples et indivisibles, on ne saurait comprendre qu’elles puissent être comparées à une pendule ; c’est-à-dire que, par leur constitution originale, elles puissent diversifier leurs opérations, en se servant de l’activité spontanée qu’elles recevraient de leur Créateur. On conçoit fort bien qu’un être simple agira toujours uniformément, si aucune cause étrangère ne le détourne. S’il était composé de plusieurs pièces comme une machine, il agirait diversement, parce que l’activité particulière de chaque pièce pourrait changer à tout moment le cours de celle des autres mais dans une substance unique, où trouverez-vous la cause du changement d’opération ? »
  2. Leibnitz, qui trouve déjà que « la matière n’a pas naturellement l’attraction et ne va pas d’elle-même en ligne courbe, parce qu’il n’est pas possible de concevoir comment cela s’y fait, c’est-à-dire de l’expliquer mécaniquement » (Nouv. Ess. av.-propos, édit.