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32. Et celui de la raison suffisante, en vertu duquel nous considérons qu’aucun fait ne saurait se trouver vrai, ou existant, aucune énonciation véritable[1], sans qu’il y ait une raison suffisante, pourquoi il en soit ainsi et non pas autrement. Quoique ces raisons le plus souvent ne puissent point nous être connues[2] (§ 44,§ 196).

    principe de contradiction : « De deux propositions contradictoires l’une est vraie, l’autre fausse. » En certains endroits, notamment Nouv. Ess. I, IV, ch. ii, § 1, il paraît distinguer du principe de contradiction le principe d’identité : A = A. Mais il est clair que, pour lui, le principe d’identité rentre dans le principe de contradiction. Le rôle que Leibnitz assigne au principe de contradiction est celui-là même que lui attribue Aristote dans le traité des Catégories, VIII, 13 a, 37 et s. Parlant des termes ὂδα ὡς κατάφασις καί ἀπόφασις ἀντίκειται (mode d’opposition qui constitue la contradiction ou ἀντίφασις), Aristote dit : ἐπί μὀνων… τούτων άναγκαῖον ἀεί τό μὲν ἀληθὲς τὸ δὲ ψευδὲς αὒτῶν εἲναι. Quant à la formule même du principe, elle était, chez Aristote la suivante : Τό ἂυτὀ ἂμα ὑπὰρχειν, καὶ μὴ ὺπάρκειν, ἀδὐνατον τῶ αὐτω κατὰ τὸ αὐτό (Mét. III, 3).

  1. Leibnitz avait d’abord écrit, restreignant, semble-t-il, le principe de raison suffisante aux vérités de fait : en vertu duquel nous considérons qu’aucun fait ne saurait se trouver existant ; c’est après coup qu’il a ajouté : aucune énonciation véritable.
  2. Déjà Platon et Aristote avaient, du principe de contradiction, distingué le principe de la cause, αἰτία αἲτιον. Aristote subdivisait même ce principe en άρχή τἢς γνώσεως et ἀρχὴ τ῍ς γενέσεως, d’où la ratio cognoscendi et la ratio essendi des Scolastiques. Dans un sens plus précis, le principe leibnitien de raison suffisante était déjà présent à l’esprit de Démocrite lui-même, lorsque celui-ci disait que les formes des atomes sont en nombre fini parce qu’il n’y avait pas de raison pour que ce nombre fût tel et non tel autre : διὰ τό μηδεν μᾶλλον τοιοῦτον ῆ τοιοῦτον εἶναι. (Simplicius, ad Phys., fol. 7 a.) Mais il appartient à Leibnitz d’avoir ramené au principe de raison toutes les règles de la connaissance et de l’existence distinctes du principe de contradiction, et d’en avoir donné une formule précise. L’idée essentielle du principe leibnitien, c’est que la vérité d’une proposition ou l’existence d’un fait n’est pas suffisamment déterminée quand on a montré que cette vérité ou ce fait n’implique pas contradiction. Car une infinité d’autres assertions relatives au même objet, une infinité d’autres emplois de la force dont il s’agit peuvent également n’impliquer pas contradiction.