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76. Mais ce n’était que la moitié de la vérité : j’ai donc jugé, que si l’animal ne commence jamais naturellement, il ne finit pas naturellement non plus[1]  ; et que non seulement il n’y aura point de génération, mais encore point de destruction entière, ni mort prise à la rigueur. Et ces raisonnements faits a posteriori et tirés des expériences s’accordent parfaitement avec mes principes déduits a priori comme ci-dessus[2](§ 90).

77. Ainsi on peut dire que non seulement l’âme (miroir d’un univers indestructible[3]) est indestructible,

  1. Cf. Platon, Phèdre, 245 D, dans la démonstration de l’immortalité ou plutôt de l’éternité de l’âme : ἐπειδὴ δὲ ἀγένητόν ἐστι, κωκὶ αὐτό ἀνάγκη εἶναι. Voyez aussi, dans le Phédon, la preuve tirée de la réminiscence. Comme l’âme a existé avant cette vie, ainsi que le prouve le fait de la réminiscence, de même elle doit lui survivre. On sait que Leibnitz faisait grand cas de la théorie platonicienne de la réminiscence (V. Erdm., p. 446 a).
  2. C’est l’un des traits distinctifs de la philosophie de Leibnitz d’admettre que le raisonnement a posteriori et le raisonnement a priori arrivent à se rencontrer, pourvu que l’un et l’autre soit bien conduit et poussé suffisamment loin. L’accord de la métaphysique et de l’expérience est pour lui l’une des faces de l’harmonie universelle. Au fond du mécanisme, le mathématicien qui cherche les raisons des choses doit trouver la force, et avec elle la tendance et l’âme. Aux contins du monde des âmes, le métaphysicien qui poursuit les conséquences des principes voit se former un monde extérieur, qui, par la loi des causes efficientes, s’efforce d’imiter la loi supérieure des causes finales.
  3. L’âme est perception, c’est-à-dire expression ou représentation. de plusieurs en un. Son action et son être sont donc liés à l’existence et a la nature du multiple. C’est la permanence des mêmes lois dans l’univers qui est la garantie de l’identité dans le sujet pensant. Une monade est donc loin de se suffire à elle-même. Sans doute elle tend à l’identité, mais elle ne peut réaliser cette tendance sans le secours du reste de l’univers. Or Dieu a fait l’univers harmonique, et ainsi les phénomènes du monde entier se déroulent de telle manière que la monade, en les représentant, ne fasse autre chose que développer sa propre essence, et demeure ainsi identique.