Page:Boutroux - Pascal.djvu/162

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Victor Cousin, en 1842, signala ces différences ; et, à partir de cette époque, on s’efforça de reproduire exactement le manuscrit. Les publications de Faugère, 1844, Molinier, 1877, Michaut, 1896, 1899, et Brunschvicg, 1897, ont peu à peu résolu ce difficile problème. Dans l’édition de M. Michaut, nous sommes véritablement en présence des notes et fragments épars, souvent incomplets, remplis de ratures, de surcharges et de variantes, parfois réduits à un commencement de phrase on à quelques mots tracés pour soulager la mémoire, que nous offrent ces émouvants papiers, expression immédiate de la pensée vivante et de l’imagination en travail. Nous surprenons Pascal conversant avec lui-même au plus profond de sa conscience ; nous contemplons, étalée devant le public, mainte pensée naissante, à peine formée, non encore éprouvée qu’il eût rejetée peut-être, ou modifiée par l’effet de la réflexion. Et cette prise de possession des manuscrits, certes très précieuse, est une source de fines jouissances pour les habiles, qui, désabusés de la foi aux idées, mettent tout leur plaisir à étudier la personne, et, dédaignant les doctrines d’un Pascal, trouvent très curieux et amusant de démonter son intelligence et son âme. Il semble pourtant que ceux qu’on appelle les grands hommes doivent simplement être rangés parmi les cas anormaux, si les produits de leur génie sont sans valeur réelle. L’admiration que nous nous flattons de leur vouer ne nous fait-elle pas un devoir de chercher d’abord, dans leurs écrits l’expression de la vérité éternelle qu’ils se sont proposé d’y fixer et de nous transmettre ?