Page:Boutroux - Pascal.djvu/169

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lui-même, que par celles qui sont venues dans l’esprit des autres. L’écrivain doit donc se mettre à la place de ses lecteurs, et faire essai sur son propre cœur du tour qu’il doit donner à son discours. Le secret de l’éloquence est d’amener l’homme à faire réflexion sur ce qui se passe en lui, et à constater, par lui-même, la vérité de ce qu’on lui dit. Il faut, d’ailleurs, s’adresser à toutes les puissances de l’âme du lecteur, de manière à le prendre tout entier, à l’envelopper, à ne lui laisser aucune issue par où il puisse s’échapper. Donc, intérêt, plaisir, raison, cœur, esprit et corps, automate et intelligence, Pascal mettra tout en jeu pour exciter l’homme à vouloir sa conversion.

La disposition, exige des tâtonnements et des essais sans nombre. Car il s’agit d’unir l’ordre de l’esprit et l’ordre du cœur, qui semblent incompatibles. Les principes, dans les choses réelles et vivantes, loin d’être connus les premiers, ne se dégagent que peu à peu. La dernière chose qu’on trouve en faisant un ouvrage est celle qu’il convient de mettre la première.

L’élocution a, dans les choses morales, une importance singulière, car un même sens y change selon les paroles qui l’expriment. La règle première, c’est que le fond doit présider à la forme. Il ne s’agit pas de faire des tableaux agréables, mais des portraits ressemblants. Gardons-nous d’imiter les méchants artistes, qui peignent de fausses fenêtres pour la symétrie. Mais, d’autre part, les mots ont leur force propre. Le style doit être naturel, c’est-à-dire simple, clair, naïf et vrai. Il faut trouver