Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/132

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auroit-on démontré leur égalité en traitant cette matiere avec la justesse & la neutralité qui convenoit. Mais on poussa cette ridicule dispute, jusqu’au point de soutenir qu’Homere était un radoteur, Démosthene un braillard, Virgile un poëte fort ordinaire : on voulut leur apprendre à parler leur langue ; on leur reprocha des expressions basses, des termes ignobles ; & un homme, né sur les bords de la Seine, prétendit trois mille ans après la mort d’Homere, lui apprendre le choix des mots et la noblesse des expressions Grecques. Ce qu’il y avoit de particulier dans cette dispute, c’étoit la différence des adversaires. Tous les véritables savans, tous les génies du premier ordre se rangeoient du parti des anciens, ils avouoient que c’étoit à leur lecture qu’ils étoient redevables de ce qu’ils savoient ; & ceux qui les combattoient étoient l’opprobre de la littérature, & l’excrément des belles-lettres. Aussi furent-ils bientôt réduits au silence. Ils s’adresserent, dans leur confusion, au savant dont je te parle. Ils lui offrirent de le reconnoître pour leur maître. Il se laissa toucher de la flatteuse idée d’être chef d’un parti, & écrivit avec beaucoup d’esprit, de très-mauvaises choses. Il y a apparence qu’il les condamnera bientôt :