Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/140

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reconnoître un ancien Romain dans un Italien, que tu n’en aurois à deviner l’usage & le but de la cérémonie la plus embrouillée du nazaréisme.

Les plaisirs ont pris dans cette ville une nouvelle face. L’arrivée du carnaval les a rendus plus vifs. J’allai hier à l’opéra : il n’y a que des hommes qui y chantent. Je m’informai quelle en étoit la raison. On me répondit qu’il ne convenoit pas que dans une ville sainte, il y eût des femmes dans le spectacle public. Je te dirai qu’il n’est rien de si ridicule que cette délicatesse hors de propos. Il y a à Rome, dans la rue Serène & dans la rue Longare, deux à trois cent courtisannes. Il est faux qu’elles payent un tribut au Pontife, ainsi qu’on le dit ordinairement ; mais elles sont tolérées, & même protégées par le gouverneur de Rome. Je te prie de considérer lequel est moins digne de la ville sainte, ou trois cent maisons de débauche, ou deux chanteuses, dont les mœurs dans ce pays sont assez réglées. D’ailleurs, elles sont remplacées par des hommes, à qui, pour donner de la voix, on a ôté le moyen de devenir peres de famille.

Ce crime qui, selon moi tient de la barbarie, & que les Turcs ne souffrent