Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/206

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Il connut que sa religion ne pouvoit résister au plus léger examen. Aussi défendit-il d’en disputer que le sabre à la main. Si les moines nazaréens avoient eu une semblable maxime, je doute qu’il se fût formé tant de sentimens différens parmi eux. Les docteurs qui se disputoient se contentoient de se battre à coups de plume : tandis que ceux qui embrassoient leur parti, s’égorgeoient mutuellement pour des opinions auxquelles ils n’entendoient rien.

Le peuple a été de tout tems facile à séduire, aisé à tromper, difficile à éclairer. Il aime la nouveauté : il suit toujours les objets qui le frappent. L’extérieur l’arrête, le saisit : il lui faut quelque chose de singulier pour le toucher. La raison simple & dépouillée de chimeres, lui paroît nue. Il veut quelque chose de merveilleux pour lui remplir l’esprit. C’est par-là que les rêveries des poëtes ont trouvé de la croyance chez les Payens, & que les Mahométans regardent comme véritables les fables de l’Alcoran.

Cependant, malgré les absurdités de la religion des Turcs, je t’avouerai que j’y trouve des préceptes dignes de l’admiration des plus grands philosophes. Cette charité, qui leur est ordonnée si souvent dans leurs livres, &