Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Lettre XVIII.

Aaron Monceca, à Isaac Onis, rabbin de Constantinople.

La seule vertu dans ce pays n’illustre point une famille. Dix ayeux, dont la candeur & la bonne foi auront mérité l’estime du public, ne valent pas un pere secrétaire du roi. La noblesse s’achete comme une marchandise. Un partisan engraissé du sang du peuple, fait de son fils un seigneur titré ; & celui d’un habile historien, d’un illustre poëte, qui souvent hérite des talens de son pere, n’a d’autre rang ni d’autres honneurs à prétendre que ceux qu’Apollon lui accorde. Le métier le plus éclatant, la science la plus étendue ne vaut pas, pour parvenir aux grandeurs & aux richesses, un emploi de sous-fermier. On voit tous les jours à Paris des gens dont le premier mérite fut d’être laquais, traînés dans des carrosses superbes, & logés dans des palais magnifiques. Ces jeux de la fortune sont ici fort ordinaires. Mais ce qui te surprendra, c’est que ces gens, qui sont regardés comme l’opprobre de la nation &