Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/245

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Gassendi ayant reçu l’onguent, feignit de ne pouvoir le prendre sans l’avoir enveloppé. Il passa dans un cabinet à côté de sa chambre, prit dans un pot un peu de confitures, qu’il couvrit de pain à chanter & ayant rejoint le berger, allons, lui dit-il, je suis prêt à te suivre. Couchons-nous tous les deux sur le plancher, répondit le magicien ; dans cette attitude, nous prendrons notre baume.

Ils s’étendirent par terre tous les deux auprès de la cheminée. Le philosophe avala la confiture, le sorcier sa drogue ordinaire. A peine quelques minutes se furent-elles écoulées, qu’il parut étourdi, & comme un homme ivre. Il s’endormit, & pendant son sommeil il parla continuellement, & débita mille extravagances. Il conversoit avec tous les démons. Il parloit avec ses camarades, qu’il croyoit magiciens, ainsi que lui. Après quatre ou cinq heures de sommeil, il s’éveilla, & se trouva dans le même endroit on il s’étoit couché. Et bien, dit-il à Gassendi, vous devez être content de la façon dont le bouc vous a reçu. C’est un honneur considérable que celui d’avoir été admis dès le premier jour de votre réception à lui baiser le derriere. Il raconta toutes les histoires qu’on débite sur ces prétendus sabbats.