Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/279

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dans leurs premiers mouvements ont déshonoré le sang Ottoman même, pour lequel ils ont une si profonde vénération. Les infamies que cette insolente milice fit souffrir au malheureux Osman, révoltérent une partie de l’empire ; & le sang de plus de dix mille janissaires put à peine assouvir l’indignation des amis de ce prince infortuné.

J’ai souvent réfléchi sur ce qui pouvoit occasionner ces mouvements, & ces fréquentes révoltes ; j’ai cru que la puissance despotique des sultans en étoit la cause. Le grand seigneur n’assemble point son conseil pour mettre un impôt. Il n’a pas le soin de le faire enrégistrer dans l’assemblée des Cadis. Il ordonne sans consulter, & fait exécuter par son visir. Ainsi le peuple le croit le seul auteur de ses malheurs. Sa haine ne s’étend tout au plus que jusqu’au visir, comme un ministre & favori du prince.

Dans les pays monarchiques, l’inimitié des peuples tombe rarement sur le monarque. Elle s’attache à cinquante objets différents avant de parvenir jusques à lui. Les gens d’affaires, les traitans, les fermiers généraux, les conseillers d’état, les ministres sont ceux à qui l’on attribue les principaux