Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/282

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Nos docteurs ont pu nous dispenser d’une coutume dans une nécessité pressante. Ce n’est point l’extérieur qui fait la religion : c’est la foi, la croyance & les sentimens de l’intérieur. Les cérémonies doivent être observées, lorsqu’on est en état de le pouvoir faire sans risquer sa vie & celle d’un millier d’innocens ; mais lorsqu’il s’ensuit un danger aussi évident, on peut en suspendre la pratique. Il n’en est pas de même pour le fond de la religion ; rien ne peut ni ne doit nous en dispenser. Les supplices les plus cruels ne doivent pas nous ébranler. Lorsqu’un juif, par exemple, est cité devant le tyrannique tribunal de l’inquisition, quelque danger qu’il y ait pour lui d’avouer sa religion, il ne doit point balancer à s’en glorifier.

La majesté du tout-puissant seroit blessée par un mensonge & par une indigne foiblesse. Un fils peut-il désavouer son pere, & un pere à qui il est redevable de tant de bienfaits ? Mais Dieu n’exige point qu’on coure au-devant des tourmens ; il condamne ce zéle aveugle qui nous fait perdre une vie dont il nous a rendu dépositaires. Nous voyons plusieurs exemples dans nos livres qui prouvent la vérité de mon opinion. Nos peres dans la captivité qu’ils essuyerent, ne purent être ébranlés dans leur croyance.