Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/315

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qui sont nécessaires pour rendre les hommes heureux.

Personne n’est véritablement grand qu’autant qu’il est juste. Cette maxime commune & applicable à tous les hommes, est encore plus pour les princes que pour les simples particuliers. Quelle justice y a-t-il d’abuser du rang & de la naissance que le ciel lui a donnés pour rendre un million d’hommes malheureux ?

Il est des souverains qui réduisent leur dureté en maxime. Ils font un art de leur tyrannie. Loin de sentir toute l’horreur de leur conduite, ils s’en applaudissent & croient devoir une partie de leur gloire imaginaire à la dureté de leur cœur, & à leur peu de sensibilité pour les hommes.

Ces principes aveugles sont d’autant plus à plaindre, qu’il est presque impossible qu’ils soient désabusés de leur erreur. Les gens dont ils sont entourés, vils esclaves de leur grandeur, sans cesse occupés à flatter leurs vices & à les déifier, sont bien éloignés de vouloir leur faire entrevoir d’importunes vérités.

Peu de personnes ont autant besoin d’avis salutaires, que les souverains : ils s’attirent souvent la haine & l’inimitié de leurs peuples, par des accidens & des occasions qu’ils eussent pu éviter, si on