Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/338

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en aient épuré les suites. Notre morale a quelque chose de farouche ; la leur semble dictée par bouche divine. La bonne foi, la candeur, le pardon des ennemis, toutes les vertus que le cœur & l’esprit peuvent embrasser, leur sont étroitement commandées. Rien ne sauroit les dispenser de leur devoir. Un véritable nazaréen est un philosophe parfait. Dans les autres religions, l’homme, vil esclave, semble ne servir Dieu que par intérêt. Les nazaréens sont les seuls qui aient le cœur d’un fils pour un aussi bon pere. Ils le servent pour lui, & non pas dans la vue des récompenses. Nous autres juifs, le but de nos prieres est la richesse, l’abondance & les biens de la terre. De tous tems, nous avons peu songé à l’autre monde. Lors de la gloire de Jérusalem, nous avions parmi nous, dans notre communion, une partie de nos freres [1] qui croyoient la mortalité de l’ame.

S’ils prioient Dieu, s’ils lui demandoient des graces, ce n’étoit pas à coup sûr pour après la mort. Ils n’en avoient que faire : ils pouvoient même, lorsque la vie leur étoit à charge, & quand ils étoient trop malheureux, empêcher Dieu de continuer leurs infortunes en se donnant la mort. Regarde, je te prie, combien

  1. Les Saducéens.