Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/351

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convaincu de son opinion ; & je ne puis croire que ceux mêmes qui ont passé dans le monde pour les chefs de l’athéisme, fussent persuadés de leurs sentiments. Plus ils avoient de génie, plus ils trouvoient de raisons pour prouver leur systême, & plus ils devoient en connoître le faux ; puisqu’ils devoient incessamment réfléchir combien il étoit impossible à la matiere de s’élever jusqu’à un point de perfection assez haut pour produire des idées aussi spirituelles que les leurs.

Est-il rien de si ridicule, rien de si absurde, que de s’imaginer que la confusion & le désordre puissent produire l’arrangement de l’univers ; qu’un amas d’atômes en s’accrochant mutuellement les uns aux autres, ait pu former une matiere pensante, qui prévoit l’avenir, qui lit dans le cours des astres, qui mesure l’immense étendue des cieux, qui communique ses pensées, ses sentimens, tous ses mouvemens intérieurs à une autre matiere pensante formée de la même façon ? En vérité, un homme peut-il réfléchir mûrement sur un sujet si parlant en faveur de la divinité, & être persuadé véritablement qu’elle ne subsiste pas ! Non, mon cher Isaac, je croirai toujours le contraire. Quelque entêté que soit un epicurien