Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/352

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du concours des atômes & de leur assemblage fortuit ; au milieu de ses méditations, le flambeau de la vérité vient luire à ses yeux. S’il les ferme pour n’être point éclairé, il en a pourtant toujours apperçu la lueur ; & ç’en est assez pour faire naître des doutes.

Je t’avoue qu’au moment que je t’écris, si j’étois épicurien, je ne pourrois m’empêcher de réfléchir combien il est impossible que cent millions de particules ou d’atômes assemblés par hasard, eussent produit ma lettre.

Eh quoi ! dirois-je, un second principe, tiré conséquemment du premier, une justesse dans le raisonnement, des idées claires & distinctes, sont formées par un caprice, soutenues par un caprice, & continuées par un caprice ! L’arrangement n’est établi que sur la confusion, & que sur le hazard ![1] S’

  1. Nam simul ac ratio tua caepit vociferari
    Naturam rerum haud divina mente coortant :
    Diffugiunt animi terrores, moenia mundi
    Discedunt, totum video per inane geri res………
    Nusquam apparent Archerusia.
    Lucret. de Rerum. Nat. lib. 3. vers. 14, &c.

    Dès que la sagacité & la pénétration de notre esprit, dit Lucrece en parlant d’Epicure, nous a découvert les secrets de la nature, tout nous a crié pour ainsi dire, que le monde n’étoit point l’ouvrage d’une intelligence divine. Les craintes qui nous obsédoient se sont évanouies, les limites du monde ont été ôtées, nous avons vu que l’enfer & l’acheron n’étoient que des fables.