Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/100

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— Mais, monsieur, fit-elle simplement, personne ne m’a prévenue que vous fussiez un valseur… je m’en aperçois seulement…

— Ah ! ah ! c’est donc un tour de madame de Chandoyseau ?…

— Comment ! monsieur, que dites-vous ?

Il se demanda un moment s’il aurait la cruauté de lui confirmer qu’il ne l’avait invitée que sur la prière de sa sœur. Mais il se sentait en veine d’infamies ; il en eût commis de pires à l’égard de cette enfant, si l’occasion lui en eût fourni. Son amour pour l’Italienne le rendait enragé comme une bête contre tout ce qui pouvait avoir en dehors d’elle le parfum d’une simple galanterie.

— Mais, mademoiselle, reprit-il, il n’y a qu’un moment, madame de Chandoyseau me remplit de confusion en m’avertissant que le bruit de cette réputation était parvenu jusqu’à vous, et qu’il ne tenait qu’à moi de le démentir. La modestie me commandait de ne pas hésiter…

Elle rougit, et son joli bras eut une petite secousse nerveuse. Il ressentit une mauvaise joie de se venger de la sottise de Mme de Chandoyseau en humiliant sa petite sœur à son occasion. De plus, il avait conscience, par sa façon de brutaliser Solweg, d’éloigner de son idylle toute cette famille et de détourner définitivement de lui ces yeux bleus au regard imperturbable qui portaient toujours l’image de la grotte d’Isola Bella.

Il reconduisit la jeune fille à sa place et revint à la sienne.

— Maintenant, dit-il à Mme Belvidera, ai-je gagné le droit de danser avec vous ?

— Vous avez gagné le droit d’être mis au ban de notre société, car il est clair que vous avez maltraité