Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/124

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cialement élevé depuis quelque temps contre le péché de la chair ?…

— Je crois bien !

— Alors il a dû être fortement impressionné de cette… abstinence édifiante, chez « un homme du monde, jeune, riche, presque célèbre, » etc. ; tels sont les termes dont il s’est servi, paraît-il, pour le qualifier. Il n’a pas résisté au désir de le donner en exemple.

— Mais enfin, il eût bien pu le faire sans le désigner si clairement !

— Peut-être ne l’a-t-il pas désigné si clairement ; je n’en sais rien : vous pensez bien que je n’étais pas au prêche ; mais Madame de Chandoyseau y était…

— Madame de Chandoyseau !

— Elle ne pouvait pas perdre l’occasion d’entendre parler « son petit Lovely », ainsi qu’elle le nomme familièrement ; elle va l’entendre tous les dimanches et lui fait, je crois, tourner la tête… Enfin, vous pensez que celle-là a compris à demi-mot et qu’elle était de taille à mettre les points sur les i, pour les personnes qui n’avaient pas compris tout à fait.

— Mais tout cela est grotesque, absurde !

— Que voulez-vous y faire ?… Pourquoi vous amusez-vous à plaisanter, vous, le soir après dîner, avec des gens qui n’entendent pas la plaisanterie ?

— Ce n’était pas à proprement parler une plaisanterie ; c’était une opinion personnelle, formulée avec un léger tour paradoxal. D’ailleurs cela n’entachait nullement la réputation de Lee, et ne pouvait prendre une teinte ridicule qu’en passant par l’organe de Madame de Chandoyseau. Eh bien ! mais, et la belle passion de Madame de Chandoyseau pour Lee, comment l’accommoder avec cet entrain à le couvrir de dérision ?

— Elle ne l’aime plus, dit-elle ; cette… particularité lui répugne.