Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/148

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Lee continuait simplement à dire ses vers et ne s’interrompit point.

Le cœur du jeune homme battait à se rompre, en descendant. Il allait le voir ; il allait les voir côte à côte. Lui, cet inconnu du premier aspect de qui tout son avenir semblait dépendre ; elle, sa maîtresse bien-aimée, devenue depuis un mois sa chair même, désormais accolée perpétuellement sous ses yeux à cet être qu’il était possible qu’elle aimât.

Il avait la figure décomposée ; sa rage venait de ne pouvoir maîtriser son émotion. Il ne redoutait rien autant que de tomber sur les Chandoyseau. Les premières personnes qu’il rencontra furent l’odieuse Herminie et sa petite sœur Solweg.

— Ah ! monsieur Dompierre, je vous eusse cru malade de loin, mais je vois que vous n’êtes qu’ému par les belles choses que vous dit Monsieur Lee. Que vous êtes donc heureux de vivre si près de la poésie même… C’est ce que je disais encore, il n’y a qu’un instant, à Solweg, en parlant de vous : « Ton valseur, ma mignonne… »

Il saluait ces dames et tournait déjà la tête. Elle le rattrapa avec un air de confidence :

— Avez-vous fait la connaissance de monsieur le chevalier Belvidera ?

— Le… chevalier ?

— Oui, oui, parfaitement : le chevalier Belvidera. Un homme très bien. Voulez-vous que je vous présente ?

— Merci, madame ! fit-il en se détournant résolument du côté de la salle à manger. Il rencontra par hasard le visage de Solweg, qui était aussi bouleversé que le sien. À cause de ce sort commun, et sans savoir ce qui, chez cette jeune fille, en pouvait être la cause, il la regarda avec moins de froideur que de coutume.