Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il quitta Lee, convaincu qu’il commençait d’éprouver un peu l’amour, puisqu’il en parlait d’une façon si déraisonnable.

— Ah ! fit M. de Chandoyseau, quand Gabriel entra dans le petit salon communiquant avec la salle à manger, voilà Monsieur Dompierre. Herminie, nous allons nous mettre à table, puisque tout le monde nous délaisse…

— Comment ? tout le monde nous délaisse ?

— Dame ! fit amèrement Mme  de Chandoyseau, vous voyez que notre nombre est assez réduit, et voilà plus d’un quart d’heure que l’on a donné le dernier coup de gong. Je ne parle pas de Monsieur et Madame Belvidera, qui, une fois dans leur chambre… n’en sortent qu’à la dernière extrémité ; mais je viens d’apercevoir Monsieur Lee s’en aller tranquillement dans la rue, vous-même n’avez pas l’air pressé de nous tenir tête… Mistress Lovely, ajouta-t-elle, en souriant avec malice, tient sans doute son mari en pénitence ; enfin…

— Mais Mademoiselle Solweg ?

— Solweg ? Ah ! ne m’en parlez pas ; c’est une petite sotte : elle boude !

— Oh ! comme c’est dommage de ne pas la voir ainsi, elle doit être bien gentille !

— Oui ! oui ! bien gentille, ma foi ; elle a les yeux rouges, les joues gonflées, elle est gentille, en effet !

— Quoi ! elle a pleuré ?

Mme  de Chandoyseau feignit d’hésiter un moment, puis, prenant le bras du jeune homme pour l’entraîner à la salle à manger, elle lui glissa tout bas en manière de confidence :

— Figurez-vous, monsieur, que nous sommes très mécontents d’elle, en ce moment-ci ; ne vient-elle pas de nous refuser coup sur coup deux partis magnifiques ?