Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/241

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le simple hasard d’une rencontre donnait à la calomnie qu’elle avait semée.

— Véritablement, dit le clergyman, je prends témoin Monsieur Belvidera lui-même qui promenait aux jardins Serbelloni et qui a pu ouvrir les yeux sur le pernicieux spectacle…

— J’ai vu, dit M. Belvidera, la Carlotta et Monsieur Dompierre, auxquels, paraît-il, on a fait sur la place un accueil assez singulier. Est-ce là ce dont vous voulez parler ?

— Eh ! monsieur, de quoi voulez-vous donc que l’on parle ? Quand on pense que nos enfants, nos jeunes filles, votre fillette, monsieur, qui connaissent ce jeune homme et voient tous les jours cette fille nous insulter avec ses oripeaux tapageurs, sont témoins d’un tel dévergondage ! Monsieur Dompierre ! Monsieur Dompierre ! J’ai besoin qu’on me répète ce nom pour que je croie ce qui est. J’aurais certes soupçonné tout le monde avant lui !

— Mais, madame, dit M. Belvidera, Monsieur Dompierre est d’âge et de tournure à avoir de belles maîtresses ! Je ne vois pas ce qui vous étonne…

— Monsieur, mon étonnement ne vient qu’après mon indignation ; mais je vous dirai que c’est précisément parce que je tiens Monsieur Dompierre pour un jeune homme d’esprit élevé, délicat, plein d’agrément, et de mœurs comme de tournure élégantes, que je ne puis croire qu’il aille prendre ses maîtresses parmi les filles en guenilles et la populace malpropre couverte de vermine, où nous avons tous vu la Carlotta, il n’y a pas trois semaines.

— Madame, on dit qu’une perle fut trouvée un jour dans le fumier.

— Ce n’est certainement pas le cas ! Cette fille est grossière et stupide, et elle n’a qu’une beauté vulgaire.