Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/254

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point. Ceux qui la possèdent seraient les héritiers des devins des contes ; il se trouverait par hasard de ces devins-là parmi les médecins, comme il y en a ailleurs, ce qui fait que tous les médecins ne sont pas mauvais. Encore arrive-t-il que ceux qui savent ce que vous avez, ne sont pas toujours capables d’y trouver remède.

— Avez-vous vu de ces devins ?

— Non.

— Et pourquoi y croyez-vous ?

— Parce que je connais des gens qui en ont vu. On dit que ce sont des hommes qui aiment ardemment leurs semblables. Toute leur vertu viendrait de cet amour. L’amour rend aveugle ; oui, en ce sens qu’il vous rend agréable jusqu’aux défauts, c’est-à-dire qu’il supprime la distinction entre les vices et les qualités, ce qui, en vous enlevant toute répugnance, vous permet d’être bien plus attentif aux mille petits ressorts mystérieux des hommes. Il paraît que ce qu’on appelle les « prévenances » qui n’ont lieu qu’entre les gens qui s’aiment, ne sont autre chose que des tas de petites divinations de ce genre. Mon frère prétend que sans cet amour, les hommes ne sont rien qui vaille, pas plus en art qu’en science. Les savants, les grands inventeurs comme les artistes, ce sont des devins, qui à force d’aimer la nature et les hommes, finissent par surprendre leurs secrets…

— Mademoiselle Solweg, si les devins sont des gens qui vous aiment beaucoup, je suis sûre maintenant que vous avez rencontré de ces devins !

— Oh ! dit-elle, avec un sourire amer, en tous cas, ils ne l’étaient pas pour moi ; puisque personne ne m’a jamais aimée.

— Personne !

— Non ; maman est morte en me mettant au monde ;

— Mais votre frère, qui est un grand esprit, à ce que tout le monde dit…

— Mon frère m’aime bien, mais il n’aime que sa peinture. Et puis, ajouta-