Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/312

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— Mais d’abord, ces histoires-là sont-elles inventées par quelqu’un ?

— Vous les croyez fondées ?

— Je n’en sais rien.

— Ni moi non plus.

Un certain nombre de personnes serrèrent la main du vieillard quand il eut fini de parler. Il eût été moins étonné de les voir ramasser des pierres et le lapider. Ce cas échéant eût prolongé son douloureux ravissement. Mais les forces lui manquèrent, à la suite d’un si violent ébranlement, et ses jambes fléchirent.

Mistress Lovely était demeurée à côté de lui, impassible. Peut-être son mari l’avait-il avertie de ce qu’il ferait ce soir. Elle trouvait que cet acte était chrétien, et l’approuvait. Elle se baissa, sans émotion, et le secourut à l’aide de sels et d’eaux de Cologne qu’elle portait sans cesse, afin d’être prête à soulager ses semblables. On l’aida, et l’on transporta le révérend.

Dans le tumulte, très peu s’aperçurent de la barque de Lee, qui aborda aux marches situées près de l’endroit où se trouvaient M. et Mme  Belvidera et Dompierre. Avec son grand chapeau et son manteau romantique, le poète traversa la foule comme une ombre. Il marchait à grands pas et d’une allure précipitée.

Une curiosité invincible fit lever Gabriel. Il avait hâte de savoir l’impression de l’accident sur cette étrange cervelle. Machinalement, M. et Mme  Belvidera se levèrent avec lui et le suivirent. Ils portaient le poids des événements, et parlaient peu. Ils se promenèrent de long en large dans le jardin des annexes, où Gabriel les avait entraînés ; ils firent le tour du jet d’eau au perpétuel murmure. Le jeune homme leva la tête malgré lui : on allumait la lumière dans la