Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/313

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chambre de Lee. Il brûlait de regarder, de tâcher de surprendre la figure de l’Anglais, de savoir… Mais ce moyen était par trop indiscret ; de plus, il n’était pas seul ; il essaya d’entraîner ses compagnons. Mais tout à coup, il leur dit, sans pouvoir se maîtriser :

— Regardez !

Ils levèrent la tête dans la direction de la lumière. Lee était assis, la figure en plein dans la clarté de la lampe ; il venait de se mettre à sa table de travail, simplement, mais ses mains étaient inertes, tombées devant lui, et, pour la première fois de sa vie, des larmes coulaient le long de ses joues.

M. Belvidera était stupéfait. Son étonnement augmenta en remarquant que Dompierre éprouvait une véritable joie à lui répéter :

— Regardez ! regardez !

Dompierre raconta ce qu’il savait des relations de Lee et de la marchande de fleurs.

— C’était donc lui ! s’écria M. Belvidera.

— Il n’était pas son amant, dit Dompierre, et vous voyez, il vient seulement de s’apercevoir qu’il l’aimait.

— Le malheureux !

— Il souffre de son orgueil abattu ; mais que n’a-t-il pas souffert avant de pouvoir pleurer comme cela !

— Oui, dit Mme Belvidera, cela se voyait sur sa figure. Maintenant il sera moins laid.

Ils restaient tous les trois immobiles et très émus devant ce baptême de la douleur d’amour qui achevait de faire d’un poète un homme.