Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/317

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— Je vous rends votre liberté, monsieur, dit-il ; la gratitude que je vous dois pour avoir prolongé votre séjour à cause de nous, n’est pas de celles qui s’oublient ; je vous garderai, cher monsieur, une infinie reconnaissance et une vive amitié. J’espère que…

— Mais ça a été un plaisir pour moi, dit Dompierre.

Il ne trouve drôle ni ce que lui dit le mari de Luisa, ni la tragique banalité des phrases de politesse qu’il lui répond. Il paraît pâle, même sous la couche de bronze de sa peau ; tout le ton de sa figure semble s’être mis à l’unisson de ses yeux bleus et de sa moustache claire. Dans le mouvement du départ, il espère que son trouble ne sera pas remarqué. Mais il a observé sa main. Il l’a posée dans la main du mari ; elle ne tremblait pas. Cet honnête homme s’en ira avec sa belle illusion. Le bonheur de Luisa ne sera pas compromis. Si elle avait vu sa main, cette fois-ci, elle eût été contente.

La voilà qui descend, avec des paquets, des ombrelles, des plaids. Elle demande à Mme  de Chandoyseau si son chapeau n’est pas posé de travers. Elle a oublié un gant ; elle fait remonter la femme de chambre. Elle appelle la petite Luisa que tout le monde embrasse.

— Nous ne sommes pas en retard, au moins ?

L’omnibus est là, béant. Les malles sont posées sur l’impériale en lourd échafaudage ; on a retiré la petite échelle accrochée à la tringle de fer, et un homme tient ouverte la porte de la voiture. M. Belvidera gratifie les portiers, les maîtres d’hôtel, les valets de chambre, les garçons de table et les faquins.

— Allons ! allons !

Mme  Belvidera, qui n’a pas eu seulement le temps de serrer la main de tout le monde, se tourne vers Dompierre, et, avec un sourire très bon, très aimable :

— Adieu, monsieur, dit-elle.