Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Là ! là ! es-tu bien ?

— Oh ! bien ! bien ! mon mio !

Elle ne l’appelait que mio quand ils étaient seuls ; et elle redoublait quelquefois ce gracieux terme de possession en ajoutant le mot français à l’italien : « mon mio ! » Toutes les fois qu’elle prononçait ce mot-là, elle fermait les yeux, comme si elle l’allait chercher au dedans d’elle et très loin, et quand elle l’avait dit doucement, de ses lèvres tendues qui semblaient en le prononçant, se baiser elles-mêmes par deux fois, elle entr’ouvrait la bouche pour recevoir le baiser que sa belle tendresse avait mérité.

— Maintenant, veux-tu que je mette à l’eau notre barque ? je vais prendre les avirons, et nous irons au-devant de la lune qui vient là bas.

— La lune ? où ça ? mais je ne la vois pas…

Soulève-toi sur mon bras… tiens ! regarde sa grande corne rouge qui sort de la montagne. Mais tu m’embrasses et tu ne regardes rien !

— Ah ! mio, que je suis donc fatiguée ; pourquoi es-tu venu si loin ? Je voulais te voir ce soir encore une fois ; mais je dormais déjà debout au milieu de ces dames. On a fait de la musique, la petite Solweg a chanté admirablement ; c’est un ange…

— Ha ! ha ! ha !

— Bon ! tu ris comme au moment où je suis arrivée ; qu’as-tu ?

— Mais c’est ton « ange », ma chérie, qui me fait rire. Je croyais qu’il n’y avait plus d’anges ; et voilà qu’il nous en vient un de Paris ! C’est tellement inattendu !

Mio, je ne vous aime pas quand vous riez comme cela. Cela ne vous va point. Il me semble que je vous entends chanter faux…

— Non ! non ! mon amour, mon cher amour ! Je ne