Page:Boylesve - Mademoiselle Cloque, 1899.pdf/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
98
MADEMOISELLE CLOQUE

— Tenez ! dit-elle, regardez-la moi cette engeance ! Voilà tous les Loupaing édifiés à l’heure qu’il est sur ce qui s’est passé ici, arrangé à la couleur de son esprit, bien entendu… J’aurais-t-il grand honte ! Aussi je vous l’ai toujours dit, Mademoiselle : votre Pelet c’est une filouse, méfiez-vous-en ! Oh ! la vieille sainte Nitouche !

On voyait la longue et noire Mlle Pelet stationnant devant la porte du candidat au conseil municipal. Celui-ci était sorti, avec sa mère et sa femme, en entendant les hurlements de la pauvresse ; il était en chemise de nuit, de couleur, à ramages, fermée au menton par une cordelière écarlate ; il riait à se tenir les côtes en regardant dans la direction de sa locataire.

— Et puis, dit Mariette, je ne sais pas pourquoi je vous montre ça ; vous devez être morte de faim ! Et votre déjeuner qui est tout froid !… Allez donc faire réchauffer des œufs ! autant ressusciter un mort !

— Ah ! ma pauvre Mariette, mon déjeuner est fait, allez ; je vous assure que je n’ai pas faim ; ces choses-là me mettent à l’envers ! C’est triste de renvoyer une malheureuse ; mais voyez-vous bien, pour les gens qui ne veulent pas aller tout droit leur chemin, je sens que je serai toujours impitoyable. D’un côté il y a le bien, de l’autre il y a le mal ; il faut choisir ; quant à louvoyer de l’un à l’autre, cela ne se peut pas, cela ne se peut pas !