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MADEMOISELLE CLOQUE

lette noire, un transparent sur les bras nus, d’une beauté à faire retourner toutes les têtes sur son passage. Le sous-lieutenant la suivait ; puis venaient le comte et sa femme aussi grande que lui.

Ce qui soutint Mlle Cloque dans l’attitude de réserve qu’elle s’imposait, ce fut une indignation aussitôt éprouvée par elle à se rendre compte de ce qu’elle appelait l’extraordinaire inconscience de cette famille. Comment ! C’étaient ces gens-là qui menaient toute l’histoire de la Basilique ; ils savaient que cette aventure passionnait et révolutionnait la ville ; ils étaient attaqués et traînés dans la boue tous les jours par le parti adverse qui s’agitait sans cesse davantage ; ils se trouvaient en présence d’une sainte fille reconnue comme la tête même de l’opposition, en face de M. Houblon, auteur de la protestation d’hier, — et ils venaient, la main tendue, la figure souriante, poussant devant eux leur fils qui ne demandait qu’à épouser, comme dans les contes, « la fille de l’ennemi ». Seulement, ici, c’était en pleine guerre qu’on allait à la noce. C’était donc qu’ils n’attachaient aucune importance à la guerre. Ne disait-on pas que, pour eux, la Basilique, c’était une affaire qu’ils traitaient ? Hors des heures de négociations, ils n’y pensaient plus.

On entendait le petit bruit des cuillers contre les soucoupes, et le babillage des jeunes filles.