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MADEMOISELLE CLOQUE

jeune fille osa retourner la tête, et elle vit, à travers les places, entre un Anglais tout blond et un grand élève des Jésuites en redingote mal taillée, le sous-lieutenant qui causait avec Léopoldine.

Alors, sans comprendre pourquoi elle avait lieu de s’attrister, elle se sentit tout à coup le cœur gros, comme cela ne lui était jamais arrivé. Elle fut sur le point d’interroger naïvement sa tante ; mais quelque chose encore d’inconnu lui fit avorter la question sur les lèvres. Elle marchait avec les grandes demoiselles Houblon sur le large trottoir de la rue Royale. Il lui sembla qu’elle ne voyait et n’entendait plus rien. Elles étaient toutes, d’ailleurs, un peu timides et gauches dans la rue et ne parlaient guère. Pour couper les silences, tantôt l’une, tantôt l’autre de ses amies se retournait vers Geneviève et lui disait :

— Quelle chance, n’est-ce pas, d’être en vacances !

— Oui, répondait Geneviève.

M. Houblon reprenait près de sa vieille amie la question des suites retentissantes qu’il prévoyait au manifeste anti-gouvernemental. On s’en était ému dans les diocèses voisins, Dieu merci encore vierges du poison républicain. À Poitiers, notamment, où l’évêque avait été l’ami et le confident du comte de Chambord ; à Angers, que gouvernait Mgr Freppel, un mouvement se dessinait en faveur des catholiques tourangeaux et du grand saint Martin. La pieuse