Page:Boylesve - Mademoiselle Cloque, 1899.pdf/234

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
227
RÉUNION DE « ZÉLATRICES »

tunisien. Qu’importait-il, après tout, que ces objets fussent imprégnés du subtil parfum de charité qu’y laisse la main même de l’ouvrière mondaine, ou qu’ils fussent achetés tout faits, à la dernière heure, par les zélatrices paresseuses ?

Dans une vaste salle dont la nudité absolue avait pour but de faire pénétrer jusqu’aux moelles des femmes du monde, le sentiment des affres de la pauvreté, elles se pressaient autour du petit poêle de fonte ronflant, qui supportait une vieille boîte de conserves emplie d’eau, et en voyait dans l’espace vide d’ornement l’éclair sinistre de son noir tuyau en zig-zags. De tristes becs de gaz d’école primaire, efflanqués, descendaient du plafond fumeux. Pour tout mobilier : des chaises grossières ; pas même un porte-manteau. Aux angles de la pièce, les parapluies inclinés les uns sur les autres, dans une complète promiscuité, prenaient des airs boudeurs ou pleurnichards. Le long du mur, les socques et snow-boots, soigneusement séparés par paires, chacune suintant sa petite mare, bâillaient avec contorsions leur veuvage des pieds dévots. Au milieu du désert d’un panneau, pendait un lamentable crucifix de grabat.

On respirait une odeur d’eau tiède, de roussi et de caoutchouc.

C’était là que Mlle Cloque, — depuis vingt ans l’âme de cette réunion, depuis huit ans honorée