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LA MAISON DE LA RUE DE LA BOURDE

inespéré, et personne autre que Mlle  Cloque n’eût aperçu là de nuage.

Elle en avait aperçu pour une raison d’une délicatesse toute particulière.

Les Grenaille-Montcontour, d’authentique et très ancienne noblesse, mais d’une fortune qu’on soupçonnait insuffisante à soutenir un train assez brillant, avaient marié leur fils aîné à une jeune fille israélite. L’amour l’avait voulu, à ce qu’on affirmait, et beaucoup d’âmes généreuses en demeuraient persuadées. D’ailleurs, disait-on, il y a juif et juif, et il fallait considérer que les Niort-Caen, bien avant leur alliance avec les Grenaille-Montcontour, avaient donné au catholicisme une précieuse recrue : une Niort-Caen, dont on rappelait la conversion retentissante, dirigeait à Paris une institution religieuse. Enfin c’était encore à l’occasion d’une conversion que les deux familles destinées à s’unir étaient entrées en relations, depuis déjà plusieurs années. Le zèle de la comtesse de Grenaille avait amené à la religion un jeune protégé de la famille Niort-Caen, garçon intelligent et sans fortune, qui depuis lors ayant prononcé ses vœux, se trouvait aujourd’hui à la tête d’une petite boutique d’objets de piété, à la porte de la chapelle Saint-Martin, en qualité de Frère vulgairement appelé « à rabat bleu. » Ce Frère jouissait du privilège évangélique attribué au « pécheur converti » ; et il était, à lui seul, plus choyé que « cent justes » par les fidèles de Saint-Martin.