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MADEMOISELLE CLOQUE

paille, et qui fumaient des cigares nauséabonds. La roue, paralysée par le « sabot », labourait le sol incliné en soulevant des nuages de poussière. Geneviève attentive à toutes choses, comme une enfant, se disait en ballon, bien au-dessus de la terre, et quand les nues s’entr’ouvraient sur la perspective magnifique et vertigineuse, elle s’aggrippait au bras de sa tante :

— Regarde là-bas, là-bas, dans le fond, comme c’est beau ! Comme c’est bon !…

La voiture, à son gré, n’allait jamais assez vite.

Les jolies montagnes se miraient avec des complaisances de femmes, à la surface polie des eaux couleur d’olive, tandis que derrière leur écran, un ciel de lilas et d’oranges se livrait à d’éclatantes débauches.

Les soirées étaient belles et douces. Dans le petit salon, on dansait quelquefois. Ou bien on allait s’asseoir et causer en rêvant, au bord de l’eau toujours lumineuse, même les nuits où l’on est privé du plaisir de la lune.

Geneviève avait été demandée deux fois en mariage. D’abord par un Genevois assez riche, très convenable et protestant, que l’on avait écarté aussitôt. Ensuite par un jeune substitut de la Vendée, voyageant avec sa famille, et qui, à l’énoncé de la dot, était parti.

Ni à l’une ni à l’autre de ces propositions, Geneviève ne s’était révoltée. Sa forte raison