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MADEMOISELLE CLOQUE

Mlle Cloque remonta à sa chambre, et se pen­cha un instant à la fenêtre sur la rue de la Bourde. L’air de juillet était lourd, la nuit tombait doucement. On entendait sans le voir le marteau de l’infatigable savetier. À chaque porte, des femmes étaient assises ou debout, en petits groupes immobiles. Un nouveau-né criait comme un animal qu’on égorge ; des enfants jouaient dans la rue, butant contre les jambes des chasseurs à pied qui rentraient par trois ou quatre à la caserne. Sur la droite, dans le ciel obscurci, on pouvait voir la tour de l’Horloge, l’un des débris de la vieille Basilique. Un gros camion voiturant des eaux minérales passa en faisant trembler les maisons. Une fenêtre s’ouvrit à l’hôtel d’Aubrebie, et la marquise agita de nouveau le « drapeau blanc » ; sans doute le marquis faisait un tour de jardin et la malheureuse folle éprouvait le vide de l’exil du prince. La grosse cloche de l’horloge tinta ; une sonnerie de clairon vint des casernes ; les soldats passaient en courant. Peu à peu les bruits s’apaisèrent ; les groupes, au pas des portes, disparurent ; de temps en temps seulement quelques coups de marteau sur le cuir marquaient que le savetier travaillait encore.