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LE PETIT BONHEUR

gré ! Jules me conseille d’y aller samedi, quoique les trains et le salon du dentiste soient bondés, à cause de la réduction sur les billets, qui est assez importante ce jour-là.

» J’ai eu la lessive cette semaine. C’est ça qui en est un tracas ! Heureusement la maman Giraud m’est d’un grand secours. Elle ne vient que lorsqu’il y a à payer de ses mains. On perdrait son latin à tenter de la faire asseoir. Quant à la mettre à table avec nous, c’est une affaire d’état ! et encore je suis obligée de me regimber pour l’empêcher de nous servir.

» Ah ! quand j’entends les trains qui roulent là-bas, sur cette grande ligne qui n’en finit pas, ni par un bout ni par l’autre, tante, mon cœur se serre. Il en passe là, dans le temps d’une journée, des gens en costume de voyage — comme nous en avons tant vus, en Suisse, te rappelles-tu ? — D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Pourquoi est-ce que j’ai une espèce de vertige à savoir qu’il y a des gens qui passent ?… Je ne les vois pas ; ils ne me voient pas derrière ma vitre : il y a, entre nous, le maréchal ferrant, et, plus loin, une rangée de peupliers… Voilà de drôles d’idées. Ne te moque pas de moi, au moins !

» À bientôt, ma tante chérie, à samedi, je t’embrasse.

« Ta Geneviève. »