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MADEMOISELLE CLOQUE

— Oh ! oh ! si vous l’aviez bien voulu !…

— Ah ! oui… fit-il, les parents… l’argent… On ne fait pas ce qu’on veut… Je ne suis pas heureux.

— Vous n’êtes pas heureux…

Il s’aperçut que le mot qu’il venait de prononcer s’emparait de toute l’attention de Geneviève.

— Non ! non ! insista-t-il. Il y a une femme qui nous est destinée, et si on la manque, toute la vie est gâchée…

Elle trouva cela joli. Ses yeux remontèrent à ce niveau de l’espace où elle avait coutume de rencontrer les rêves. Elle semblait regarder une des têtes de femmes au pastel. Elle la voyait tout juste pour recueillir sur ces traits séduisants les songeries qu’elle avait eues ici durant les heures d’attente ; et à toutes ces songeries, Marie-Joseph était mêlé. Aujourd’hui, il était là ; il lui parlait d’une voix émue ; il s’échauffait ; il s’approchait d’elle. Même, elle avait déjà retiré sa main qu’il essayait de prendre. Dans le petit mouvement, elle avait rencontré les yeux du jeune homme, et vu le beau serpent d’or qui ondulait sur sa lèvre.

— Allez-vous-en ! disait-elle encore.

Mais elle ne pensait même plus à ce qu’elle disait. C’était à peine si elle distinguait les paroles brûlantes que lui-même prononçait. Dans le temps de quelques secondes, c’étaient ses trois années de torture d’amour qui lui revenaient,