Page:Boylesve - Mademoiselle Cloque, 1899.pdf/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
2
MADEMOISELLE CLOQUE

procès personnel retentissant. Il était sur le point de partir pour Prague, allant porter à Charles X exilé et aux Enfants de France, un message secret de la mère du jeune Henri V, enfermée à Blaye. Ce n’était pas une petite affaire à une jeune fille qui n’avait pour se recommander que son enthousiasme, d’aborder un personnage si considérable. Elle s’était rendue rue d’Enfer, où il habitait une maison simple, entourée de verdure, presque au milieu des champs. Quel prétexte à sa visite ? Aucun. Elle voulait seulement le voir et lui dire, si toutefois elle en trouvait la force : « Monsieur, je vous admire, et chez moi, toute ma famille et les voisins, et tous les gens que nous connaissons vous admirent… » et s’en aller là-dessus, brisée peut-être par la secousse, mais soulagée pour longtemps.

Un domestique lui avait ouvert et lui avait demandé :

— Qu’est-ce que vous voulez ?

— Je voudrais voir Monsieur le vicomte de Chateaubriand…

— Votre nom ?

— Oh ! ce n’est pas la peine ; il ne me connaît pas ; dites que je suis une jeune fille.

On avait fait toutes sortes de difficultés. Le valet de chambre, puis d’autres domestiques la regardaient d’un œil soupçonneux. Sans doute fût-elle demeurée longtemps dans l’antichambre si, par hasard, M. le vicomte n’eût ouvert