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LES LOIS INTELLECTUELLES DU LANGAGE.

suffixe, qui ne se trouve nulle part ailleurs, serait impossible à expliquer, sans son contraire septentrional.

Telle locution serait inexplicable, si on ne la rapprochait de son contraire. Ainsi ἐμπόδων (en parlant d’une gêne, d’un obstacle) ne s’explique que par ἐκπόδων, « hors des pieds[1] ».

Les Grecs, qui connaissaient déjà l’analogie par antithèse, l’avaient appelée d’un joli nom : συνεκδρομὴ κατ’ ἐναντιότητα. L’image est empruntée à quelque pièce de bétail qui se détache de ses compagnes et va suivre un autre troupeau.

Nous allons maintenant donner quelques exemples de l’analogie servant à souligner une ressemblance.

Les noms de parenté comme πατήρ, μήτηρ, θυγάτηρ, ayant leur datif pluriel en -ασι, le grec υἱός, « fils », qui n’avait aucune raison pour cela, a fait pareillement ὑιάσι. M. J. Wackernagel signale un cas tout pareil en sanscrit[2]. Le mot pati, qui veut dire à la fois « maître » et « époux », a deux génitifs, l’un (régulier) — patēs — quand il signifie « maître », l’autre (irrégulier) — patjus — quand il signifie « époux ». Ce patjus vient des génitifs comme pitus, « du père » ; mâtus, « de la mère ».

  1. L’analogie par opposition se retrouve également dans l’antithèse ἡμεῖς et ὑμεῖς, μακρός et μικρός. Voir aussi (Mém. Soc. ling., IX) ce que j’ai dit de l’adverbe σιωπῇ.
  2. Journal de Kuhn, XXV, 289.