Page:Brébeuf - Relation de ce qui s’est passé dans le pays des Hurons en l’année 1636.djvu/210

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ſa pour quelque temps, & ſe mirent à chanter, mais d’vn ton ſi lamentable & ſi lugubre, qu’il nous repreſentoit l’horrible triſteſſe & l’abyſme du deſeſpoir, dans lequel ſont plongées pour iamais ces ames malheureuſes.

Tout eſtoit preſque ietté quand nous arriuaſmes, car cela ſe fit quaſi en vn tour de main ; chacun s’eſtoit preſſé, croyant qu’il n’y euſt pas aſſez de place pour toutes ces ames ; nous en viſmes neantmoins encore aſſez pour iuger du reſte. Ils eſtoient cinq ou ſix dans la foſſe auec des perches à arrãger ces os. La foſſe fut pleine à deux pieds prés : ils renuerſerent par deſſus les robbes qui la débordoient tout autour, & couurirent tout le reſte de nattes, & d’écorces. Pour la foſſe ils la comblerent de ſable, de perches, & de pieux de bois qu’ils y ietterent ſans ordre. Quelques femmes y apporterẽt quelques plats de bled, & le meſme iour & les ſuiuants pluſieurs Cabanes du Village en fournirent des manes toutes pleines qui furent iettées ſur la foſſe.

Nous auons quinze ou vingt Chreſtiens enterrez auec ces Infideles, nous diſmes pour leurs ames vn De profundis : auec vne