Page:Brébeuf - Relation de ce qui s’est passé dans le pays des Hurons en l’année 1636.djvu/60

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obſtant cela pour facile que puiſſe eſtre la trauerfée des Sauuages, il y a touſiours aſſez de quoy abbatre bien fort vn creur qui ne ſeroit pas bien mortifié ; la facilité des Sauuages n’accourcit pas le chemin, n’applanit pas les roches, n’éloigne pas les dangers. Soyez auec qui que vous voudrez il faut vous attendre à eſtre trois & quatre ſemaines par les chemins tout au moins, de n’auoir pour compagnie que des perſonnes que vous n’auez iamais veu, d’eſtre dans vn Canot d’eſcorce en vne poſture aſſez incommode, ſans auoir la liberté de vous tourner d’vn coſté ou d’autre, en danger cinquante fois le iour de verſer, ou de briſer ſur les roches. Pendant le iour le Soleil vous bruſle, pendant la nuict vous courez riſque d’eſtre la proye des Maringoins. Vous montez quelquesfois cinq ou ſix ſaults en vn iour, & n’auez le ſoir pour tout recõfort qu’vn peu de bled battu entre deux pierres, & cuit auec de belle eau claire ; pour lit la terre, & bien ſouuent des roches inégales & raboteuſes, d’ordinaire point d’autre abry que les eſtoiles, & tout cela dans vn ſilence perpetuel ; ſi vous vous bleſſez à quelque rencontre, ſi vous tombez malade, n’attendez de ces Barbares d’aſſi-