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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/253

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AURORA FLOYD

Yard et à vous aussi ; car j’aurais agi libéralement avec vous, ajouta l’agent, oubliant apparemment sa rêverie du matin, dans laquelle il avait pensé offrir à son aide dix livres pour le payer de toutes ses peines. J’aurais agi très-libéralement avec vous, Tom. Mais quelle est la nécessité de rester à beugler ici ? Venez avec moi ; vous me direz en marchant comment cela vous est arrivé.

Tenant encore fortement le collet de son subalterne, Grimstone sortit de la place du marché, ne regardant ni à droite ni à gauche, quoique quantité d’yeux campagnards s’ouvrissent tout grands lorsqu’il passait, attirés sans doute par la rapidité de son pas et la détermination évidente de ses manières. Ces rustiques paysans pensaient probablement que cet homme, dans son long habit noir, et avec son regard sévère, avait arrêté ce petit homme misérable au moment où il lui volait son mouchoir et qu’il l’entraînait pour le livrer aux mains de la justice.

Grimstone relâcha son étreinte quand lui et son compagnon eurent quitté le marché.

— Maintenant, — dit-il, hors d’haleine, mais sans diminuer son pas ; — maintenant je suppose que vous pouvez me dire comment vous êtes arrivé à faire un tel… — ici un adjectif inadmissible, — bête que vous êtes ! Jamais vous ne devineriez où je vais. Je vais à la station. Jamais vous ne devineriez pourquoi j’y vais. Vous le devineriez si vous n’étiez un imbécile. Maintenant racontez-moi comment cela est arrivé, le pouvez-vous ?

— Il n’y a pas beaucoup à dire, — murmura péniblement l’humble personnage dont les fonctions respiratoires étaient tristement éprouvées par le pas de son supérieur. — Il n’y a pas grand’chose. J’ai essayé de faire connaissance avec lui, en faisant semblant d’être tranquille et sans artifice ; mais cela n’a pas réussi. Il était aussi grognon qu’un terrier, aussi je ne le contraignis pas ; mais je gardais un œil sur lui, et je me présentai à lui comme si j’étais venu à Doncastre pour une affaire de course, et comme si j’étais chargé de voir un cheval qui avait été élevé à quelques milles par une personne de Londres : lorsqu’il quitta la