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LE SECRET

barrière sur son passage courait raconter à sa mère avec quels aimables regards et avec quelle douce voix elle l’avait remercié pour son petit service. À l’église, le bedeau qui lui ouvrait le banc du chirurgien, le vicaire qui voyait ses beaux yeux bleus fixés sur lui pendant qu’il prêchait son simple sermon, le messager qui venait quelquefois lui apporter de la station du chemin de fer une lettre ou un paquet, sans jamais s’attendre à une gratification, ceux qui l’employaient ou qui lui rendaient visite, ses élèves, les domestiques, tous, grands ou petits, unissaient leurs voix pour déclarer que Lucy Graham était la plus charmante fille qui eût jamais existé.

Ce cri unanime avait-il pénétré jusque dans les appartements silencieux du château d’Audley, ou était-ce simplement l’effet produit par le charmant visage se montrant chaque dimanche matin dans le banc du chirurgien ? Toujours est-il que sir Michaël Audley éprouva un violent désir de faire plus ample connaissance avec l’institutrice de M. Dawson.

Il n’eut qu’à s’en ouvrir au digne docteur, qui s’empressa d’organiser une petite réunion à laquelle furent invités le vicaire et sa femme, le baronnet et sa fille.

Cette délicieuse soirée décida du sort de sir Michaël. La tendre fascination de ces yeux bleus si doux et si touchants, la gracieuse élégance de ce cou svelte et de cette tête penchée avec ces splendides boucles de cheveux au reflet doré, cette charmante voix qui résonnait comme une suave mélodie, la parfaite harmonie qui régnait dans tous ses charmes et donnait un double attrait aux enchantements de cette femme ; toutes ces séductions enfin le subjuguèrent, il lui fut aussi impossible d’y résister que de se soustraire à sa destinée. La destinée ! vraiment cette femme était sa destinée ! Il n’avait jamais aimé auparavant. Qu’avait été son mariage avec la mère d’Alicia ? Une triste af-