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DE LADY AUDLEY

Robert Audley sortit pour aller chercher son oncle. Il chercha ce digne parent avec la mort dans l’âme, car il savait qu’il allait détruire le rêve de la vie de son oncle, et que nos rêves n’en sont pas moins pénibles à perdre parce qu’ils n’ont jamais été la réalité pour laquelle nous les avons pris. Mais malgré toute la douleur qu’il éprouvait pour sir Michaël, il ne pouvait s’empêcher de songer aux dernières paroles de milady : « le secret de ma vie. » Il se souvenait de ces lignes qui l’avaient si fort intrigué dans la lettre écrite par Helen Talboys à son père la veille de son départ de Wildernsea. Il se souvenait de ces deux phrases inintelligibles : « Vous devez me pardonner, car vous savez pourquoi j’ai agi de la sorte ; vous connaissez le secret qui explique ma vie. »

Il trouva sir Michaël dans le vestibule ; il ne prépara pas le baronnet à la terrible révélation qu’il allait entendre. Il l’amena dans la bibliothèque, éclairée par le feu seulement, et là, pour la première fois, il lui adressa la parole d’un ton calme :

« Lady Audley a une confession à vous faire…, mon oncle, une confession qui vous sera bien douloureuse et qui vous surprendra cruellement ; mais pour votre honneur dans le présent, pour votre paix dans l’avenir, il faut que vous l’entendiez. Elle vous a trompé indignement, je dois le dire, mais il est de toute justice que vous écoutiez les excuses qu’elle peut alléguer. Que Dieu vous adoucisse la violence du coup, dit en sanglotant le jeune homme, moi, je ne le puis. »

Sir Michaël leva la main, comme pour imposer silence à son neveu ; mais cette main retomba impuissante. Il était debout au milieu de la salle, froid et immobile.

« Lucy ! cria-t-il d’une voix pleine d’angoisse qui résonna désagréablement aux oreilles de ceux qui l’entendaient et ressemblait au cri d’un animal blessé,