Page:Brassard - Les Mémoires d'un soldat inconnu.pdf/104

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
98
adolphe brassard

chons s’accumulent et, après s’être miré dans l’or ruisselant des voûtes, on réussit à se faire sirer pour ses incalculables services rendus à la Patrie.

Dans le vacarme des obus qui éclatent, des mitrailleuses qui fauchent, des grenades et des fusils qui couchent les hommes, j’entends les rires des coupables qui s’amusent dans le luxe qui leur vient de nos souffrances. Ici, on se promène en tank et sur des affûts de canon ; là-bas, on se prélasse sur les coussins moelleux, des limousines. Là-bas, on respire l’air frais du matin, les fleurs, le parfum des femmes ; ici, on inhale une atmosphère chargée des émanations de bourbiers, des vapeurs des fumiers et de la pourriture des cadavres. Là-bas, sous la lumière éclatante et la chaleur douce des salles de bal, on trinque, on boit à la vie, on goûte à l’amour ; ici, pieds nus et en haillons, des femmes, des enfants, des vieillards, le désespoir dans l’âme et le cœur en larmes, fuient leur demeure détruite, leur