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adolphe brassard

gnon de pain dont la croûte est de glace.

T’en fais pas ! Et c’est la lettre qui arrive et que l’on donne en se poussant du coude, que l’on ouvre le cœur serré parce que sur l’enveloppe l’écriture inconnue en dit trop long, et que l’on sait, avant d’avoir lu, que la mère n’est plus et que le père s’en va. T’en fais pas ! Alors que le commandement rive sur place et que nous donnerions tout au monde pour être là-bas, pour éloigner, parce que nous savons comment, le malheur de la maison.

Allons, le gosse, ça va se passer ces grosses larmes qui roulent sur tes joues et ces soupirs poignants qui gonflent ta poitrine frêle.

Voyons, Pierre, Jan, Pol, faut pas s’en faire parce que la promise oublie son gars au bras du meunier : loin des yeux, loin du cœur, ça va se passer !

T’en fais pas, petit, ça va se passer cette blessure sûrement disproportionnée à ton corps malingre.